Patrick Modiano : L’Herbe des nuits


 Patrick Modiano4e de couverture :

« Qu’est-ce que tu dirais si j’avais tué quelqu’un ?  »
J’ai cru qu’elle plaisantait ou qu’elle m’avait posé cette question à cause des romans policiers qu’elle avait l’habitude de lire. C’était d’ailleurs sa seule lecture. Peut-être que dans l’un de ces romans une femme posait la même question à son fiancé.
« Ce que je dirais ? Rien. »

L’Herbe des nuits, Patrick ModianoExtrait :

Pourtant je n’ai pas rêvé. Je me surprends quelquefois à dire cette phrase dans la rue, comme si j’entendais la voix d’un autre. Une voix blanche. Des noms me reviennent à l’esprit, certains visages, certains détails. Plus personne avec qui en parler. Il doit bien se trouver deux ou trois témoins encore vivants. Mais ils ont sans doute tout oublié. Et puis, on finit par se demander s’il y a eu vraiment des témoins.
Non, je n’ai pas rêvé. La preuve, c’est qu’il me reste un carnet noir rempli de notes. Dans ce brouillard, j’ai besoin de mots précis et je consulte le dictionnaire. Note : Courte indication que l’on écrit pour se rappeler quelque chose. Sur les pages du carnet se succèdent des noms, des numéros de téléphone, des dates de rendez-vous, et aussi des textes courts qui ont peut-être quelque chose à voir avec la littérature. Mais dans quelle catégorie les classer ? Journal intime ? Fragments de mémoire ? Et aussi des centaines de petites annonces recopiées et qui figuraient dans des journaux. Chiens perdus. Appartements meublés. Demandes et offres d’emploi. Voyantes.

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